“Je me fais peur donc je suis.”
Xavier Pommereau
La peur
S’il est difficile de donner une définition simple et éclairante de la peur, c’est qu’elle renvoie en réalité à plusieurs sentiments. On peut notamment distinguer la peur d’un mal présent (qu’on pourra nommer frayeur ou même épouvante) de celle d’un mal futur (qui correspond plus précisément à la crainte). Dans tous les cas, nous avons peur de ce qui est susceptible, croyons-nous (à tort ou à raison), de nous faire du mal de quelque manière que ce soit. Pourtant, l’étudiant convaincu qu’il n’aura pas son examen n’éprouve pas de peur, mais plutôt du désespoir. Car la peur est toujours plus ou moins peur de l’inconnu et est donc liée à l’ignorance. Il faut en outre remarquer que cette ignorance du mal dont on a peur laisse souvent place à l’espoir d’y échapper. On peut même aller jusqu’à dire que la crainte et l’espoir, loin d’être des sentiments opposés comme on le dit parfois, sont au fond les deux aspects d’un même sentiment : il n’y a pas de crainte sans espoir ni d’espoir sans crainte. Inversement, le désespoir total est incompatible avec la peur.
Par là peut se comprendre la peur de la mort. À supposer qu’elle soit considérée comme un mal, la mort, étant une certitude pour chacun d’entre nous, devrait plutôt susciter le désespoir que la peur. Toutefois, à bien y réfléchir, ce n’est pas exactement la mort elle-même qui fait peur, mais ce qu’elle représente d’inconnu : quand vais-je mourir ? Que m’arrivera-t-il au moment de ma mort ? Celui qui connaîtrait la réponse à ces deux questions n’aurait plus peur de la mort.
Si l’on n’a peur que de ce qu’on ne connaît pas, le savoir s’impose logiquement comme le remède contre les peurs. Ainsi la science nous libère-t-elle de certaines d’entre elles : la foudre cesse en grande partie d’être effrayante dès lors qu’on en a une connaissance scientifique.
De même, l’avenir étant, par définition pourrait-on dire, inconnu dans une large mesure, il est l’une des grandes sources de nos peurs. Le désir de se libérer de ces peurs a pris des formes variées au cours de l’histoire. Pour ceux qui n’y adhèrent pas, la superstition n’est ainsi rien d’autre qu’un ensemble de tentatives naïves et illusoires pour se libérer de la peur de l’avenir en général (la divination sous toutes ses formes : astrologie, cartomancie…) et des mauvais coups qu’il nous prépare en particulier (les porte-bonheur et autres grigris). Dans cette logique, la “connaissance” de la mort que nous proposent les religions (en particulier l’existence du paradis) est également considérée par certains penseurs athées comme une tentative mensongère et pathétique à laquelle se livrent les croyants pour se libérer de la peur de la mort.
Sur le plan pathologique, la peur prend par exemple la forme de la phobie (claustrophobie, agoraphobie…) ou de l’angoisse (qu’on a pu définir comme une « peur sans objet ») ; certaines personnes sont manifestement plus disposées à ces formes de peur qui sont heureusement, dans une certaine mesure, susceptibles d’être “guéries” (par psychothérapie et éventuellement médicaments, comme les anxiolytiques), sauf dans ses formes extrêmes, comme la paranoïa.
Pour ce qui est de la peur dans les rapports entre les hommes, le mot “xénophobie” nous renseigne peut-être sur le sens profond du racisme : cette haine serait en réalité une peur ou une crainte (phobos), elle-même fondée sur une ignorance ou une méconnaissance des “étrangers” (xenos). Certains partis politiques exploitent manifestement cette peur, l’entretiennent, voire la fabriquent de toutes pièces, parfois avec la complicité des médias, comme on a pu le voir dans certains débats sur “l’insécurité”.
Enfin, les plus anciennes tyrannies comme les dictatures modernes ont su asseoir leur pouvoir sur la peur.
Toutes les remarques qui précèdent expriment ce qui est une évidence pour beaucoup de gens : la peur est mauvaise, nuisible, et doit être combattue ou au moins dépassée (le courage serait ainsi moins l’absence totale de peur que la résistance à la peur). Or sur la peur dans sa dimension instinctive, l’éthologie (l’étude scientifique du comportement animal en milieu naturel) nous livre un tout autre enseignement : la peur est non seulement utile, mais parfois vitale au point d’être un élément déterminant dans la sélection naturelle. Ainsi les animaux qui ont peur de leurs prédateurs fuiront plus tôt que les autres et auront donc plus de chances de survivre. La peur est donc à l’origine de certains comportements vitaux. A contrario, chez l’enfant, l’absence de peur du vide est parfois fatale… Dans un autre registre mais dans la même logique, craindre de rater un examen incitera peut-être l’étudiant à travailler. Craindre une amende poussera peut-être le conducteur pressé à respecter les limitations de vitesse. La peur de la mort elle-même m’obligera peut-être à donner un certain sens à ma vie.
Est-il donc si sûr qu’on pourrait le croire que la peur est un sentiment dont il faut se débarrasser ? Ne devons-nous pas plutôt faire le tri entre nos “bonnes” et nos “mauvaises” peurs ? Mais selon quels critères ?
Etude de la perception et de l’usage de l’espace par l’homme. La proxémie est la distance physique qui s’établit entre des personnes prises dans une interaction, un échange de communication. La distance entre personnes, lorsqu’ils communiquent, est différente, selon qu’on soit dans l’intimité, la relation publique. Elle a été étudiée par l’anthropologue Edward T. Hall.
L’exemple souvent cité est celui qui illustre les distances acceptables dans les pays occidentaux avec l’Autre :
• sphère intime (de 15 cm à 45 cm : pour embrasser, chuchoter)
• sphère personnelle (de 45 cm à 1,2 m : pour les amis)
• sphère sociale (de 1,2 m à 3,6 m : pour les connaissances
• sphère publique (plus de 3,6 m : pour parler devant un public ou interpeller quelqu’un).
Au delà de cet exemple, la proxémique élargie la compréhension des formes de communication et de culture.
« Martin Heidegger* pensait que le fait de se projeter dans l’avenir et de dessiner des futurs possibles était le propre de l’humain. Un projet se distingue d’une vague aspiration ou de la formulation d’un désir par au moins trois caractères : 1) Définir un objet précis ; 2 ) Définir un plan de bataille ; 3 ) Transformer l’anticipation en action. » Jean-François Dortier, Le dictionnaire des sciences humaines (Ed Sciences Humaines, Auxerre, 2004-, p. 668
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, c’est pourquoi ils l’ont fait. »
Anonyme
» Avoir le courage d’entreprendre quelque chose est l’un des principaux facteurs du succès. »
James A. Worsham.
Proactif : Adjectif qualifiant une personne prenant en main la responsabilité de sa vie, plutôt que de rechercher des causes dans les circonstances ou les personnes extérieures.
« Le terme français proactif est largement répandu dans le milieu des conseils de gestion en raison des succès emportés par la gestion proactive d’Alain Martin. Comme cette méthode est enseignée aux cadres de l’administration fédérale, il n’est pas étonnant de constater la présence de ce terme dans les documents administratifs. À l’origine, ce terme fait partie du vocabulaire de la psychologie et désigne qui agit sur des faits ou des processus à venir. On le retrouve dans le domaine des négociations collectives : négociation proactive, par analogie avec la psychologie, et en gestion, dans le sens d’une gestion prévoyant tous les événements pouvant se produire avec les modes d’action correspondants. Cette gestion est plus souple et moins systématique que la gestion prévisionnelle classique, fondée sur les modèles pré-déterminés. Elle fait intervenir des facteurs d’indétermination comme la validité des hypothèses, les facteurs décisifs de succès et l’analyse du risque dans la planification. Cette méthode spécifique méritait certainement un vocable particulier pour être dénommée et le choix du terme « gestion proactive » n’est certainement pas impropre. Dans les sciences humaines, les emprunts terminologiques d’une science à l’autre ne sont-ils pas monnaie courante ? » L’Actualité terminologique, vol. 18, no 9, 1985, Banque de terminologie.